La Brève n°52 de l’IDD se concentre sur les émissions de CO2 de deux secteurs : la circulation routière et le résidentiel. Les raisons de ce choix : la part croissante de la circulation routière dans le total des émissions et les enjeux socio-économiques (les masses financières et les capacités de production qu’il faudra mobiliser pour atteindre les objectifs en matière d’émissions) dans le résidentiel.
Allons directement à l’essentiel : en l’état, et donc sans coup de barre et sans coup d’accélérateur forts, il sera (très) difficile d’atteindre en 2030 dans ces deux secteurs un objectif de diminution des émissions de -55% (par rapport à 1990). Ce coup de barre et ce coup d’accélérateur passeront par des changements de comportements et technologiques, par des investissements privés et publics, et par la mise en Å“uvre concertée d’instruments économiques et règlementaires.
Six commentaires :
- L’objectif de cette note n’est pas de mettre en cause l’objectif de -55% ni moins encore de laisser penser que cet objectif est inatteignable, mais bien de rappeler que, en l’état, il sera (très) difficile d’y arriver.
- Les scénarios proposés par l’IDD ne sont pas des prévisions ; ils se basent sur des hypothèses qui sont d’abord là pour montrer l’ampleur du défi ; ces scénarios sont d’autant plus optimistes, ambitieux si on préfère, qu’au cours des dernières années les émissions de CO2 ont eu tendance à plafonner, donnant l’impression que les dynamiques de réduction « s’épuisaient ».
- Les scénarios raisonnés de l’IDD, dont les hypothèses sont évidemment discutables, montrent néanmoins qu’une réduction des émissions de 55% dans deux secteurs – circulation routière et résidentiel, qui représentent en 2019 quasiment la moitié des émissions de CO2 liées à l’énergie – est, en l’état, un objectif (très) difficilement atteignable.
- Une insuffisante réduction des émissions de CO2 dans ces deux secteurs ferait peser un poids plus grand encore sur les autres émetteurs de CO2 ; hors, un de ces secteurs, celui de la production d’électricité, sera lui-même sous tension suite à la sortie du nucléaire, et l’on sait les difficultés de réduire de beaucoup les émissions, d’ici à 2030 en tout cas, dans d’autres secteurs, notamment dans l’agriculture.
- D’une manière générale il faudra, tant que la production d’électricité ne sera pas largement décarbonnée, tenir compte de possibles déplacements d’émissions locales de CO2 vers des émissions dans le secteur de la production d’électricité.
- Enfin, dès lors que les émissions de CO2 se retrouvent pour partie stockées dans l’atmosphère, le cheminement pour arriver aux -55% est important aussi ; au plus on s’y met vite, au plus sera réduite l’augmentation de la concentration d’ici à 2030.
Bref, ce sont des politiques ou des évolutions socio-économiques d’une toute autre ampleur, voire d’une autre nature, qui seront nécessaires pour arriver à l’objectif adopté par l’Union en décembre 2020.
Notons, pour terminer, qu’il est évidemment trop tôt pour savoir si la sortie de la crise liée au Covid apportera une contribution structurelle – par exemple des changements de comportements durables en matière de mobilité – pour atteindre les objectifs climatiques. Ceci dit il ne faut pas, le cas échéant, nécessairement en attendre monts et merveilles ; c’est ainsi, par exemple, qu’une étude du Bureau fédéral du Plan sur le télétravail a montré que « même dans le cas étudié d’une augmentation très importante de la pratique du télétravail au regard de son potentiel en Belgique, les effets (sur la congestion et le trafic total) restent modestes en termes absolus ». Enfin, il n’est pas exclu non plus qu’un éventuel ralentissement de la croissance « facilite » les choses, mais ce sera alors avec un coût social.
Plus dans note.
Le lecteur intéressé trouvera ici une analyse semblable des évolutions des émissions de CO2 dans le résidentiel wallon.
Philippe Defeyt