Le 1er avril se tiendra à Charleroi le « Forum de la Transition Solidaire ». Quelques 300 intervenants se réclamant de ou se reconnaissant dans la notion de transition écologique et solidaire échangeront leurs expériences et leur vision de la transition. Une cinquantaine d’initiatives citoyennes seront présentes, actives dans des secteurs aussi différents que l »agriculture et l’alimentation, le logement, l’énergie, es monnaies complémentaires, l’éducation.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site « www.transition21.be »
C’est l’occasion de s’interroger sur  la signification politique et sociologique de ces nouvelles initiatives citoyennes qui se réclament de la « transition écologique». En quoi des initiatives citoyennes comme les «Villes en Transition», les AMAP, les quartiers durables et solidaires, les coopératives de production d’énergie, les Systèmes d’Echange Local,  les Groupes d’Achat Solidaires, les monnaies locales, etc., participent-elles malgré leurs différences (et au-delà du fait de s’en réclamer ou non) à une même transition? En quoi consiste leur potentiel de transformation et de quel type de transformation sont-elles porteuses ? Quelle est la portée et la signification politique et sociale de ces mouvements ?
Le texte ci-joint tente d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions, ou, à tout le moins d’enclencher une réflexion qu’on espère la plus collective possible..
Bravo et merci pour ce texte stimulant. Je réagis avec grande modestie, et plutôt comme citoyen porteur d’opinion (politique) que comme expert. A mon avis le procès du système en place est très correct mais j’aurais plus explicitement dénoncé (1) le fait qu’il est piégé dans une nécessité de croissance (sans laquelle les entreprises et le budget de l’Etat s’effondrent), (2) que les « pas de temps » politiques ne s’accordent pas des enjeux de long terme, (3) que la complexité des enjeux (y compris les liens entre finance et économie « réelle » de la production et de l’échange des valeurs d’usage) les rend largement incompréhensibles et hors de portée du débat démocratique, (4) que le pouvoir d’impacter la planète est largement aux mains des détenteurs du capital et (5) que la démocratie à l’intérieur d’un Etat n’implique pas les victimes extérieures ou futures de ce même Etat.
Je partage l’idée que les processus de transformation interstitiels sont prometteurs, cela d’autant plus le système se fissure. Mais peut-on vraiment éviter la « rupture »? Le choix d’une stratégie de rupture implique certes d’affronter une période des coûts pour la société, mais, sans aucunement justifier les abus des périodes révolutionnaires, le principe d’accepter certains coûts (aussi modérés que possible) me semble parfaitement normal dans une perspective d’investissement pour le développement durable, cela surtout s’ils permettent l’économie de ruptures futures qui, elles, seraient plus subies que choisies. En fait je conteste la linéarité de la courbe décroissante de bien-être dans la mesure où les dérèglements planétaires annoncent un risque de situations de crises analogues à des ruptures. Mais on peut aussi jouer la carte de la préparation aux crises (subies) pour les retourner en opportunités de changement. L’on a par exemple déjà vu des catastrophes climatiques ou naturelles ouvrir la voie à des changements sociaux porteurs des valeurs évoquées dans cet article. En tout cas je pense que notre développement étant « non durable » il va nécessairement conduire à des changements qui ne manqueront pas d’interférer avec les stratégies et processus de changement que nous souhaitons promouvoir.
Merci pour cette intéressante réflexion. Je te suis entièrement dans les 5 constats ou critiques que tu émets et qui mériteraient chacun de plus amples développements. Je me suis limité ici à ce qui m’a paru nécessaire et suffisant dans les écrits de Tully pour caractériser la différence entre les deux modes de citoyenneté. J’ajoute qu’une des critiques fondamentales que Tully adresse à la structure institutionnelle démocratique occidentale est la violence avec laquelle il s’est imposé et continue à vouloir s’imposer à l’ensemble de la planète et des peuples qui l’habitent. Il parle du « often violent historical process of modernisation that remove or restructure any existing alternative forms of economic organisation, put in place the underlying modern institutiions, and then socialise or modernise subjects in the exercice of their corresponding rights and duties as ‘modern freedom’…these processes of modernisation …presuppose the authoritative exercise of violence to lay the institutional foundations of modern citizenship…(J. Tully (2013). « Citizenship for the Love of the World ». Cornell University, p.7.).
A cet égard, le contraste est total avec la citoyenneté civique qui récuse tout recours à la violence et même s’attaque à toutes les violences vis-à -vis les uns des autres mais aussi à l’encontre des animaux et de la nature en général. Tully fait d’ailleurs référence sur ce point à la Satyagraha de Gandhi.
Ceci nous amène à la question de la stratégie de « rupture ». Je la crois aussi indispensable à condition de bien veiller comme nous y invite E.O.Wright à la distinguer de la stratégie révolutionnaire qui est, elle, nécessairement violente. Le problème avec la stratégie de rupture c’est que, précisément dans la mesure où elle refuse la violence et respecte le jeu des institutions démocratiques de la citoyenneté civile, elle a peu de chances d’être couronnée de succès dans un délai raisonnable à moins d’une catastrophe, ce qui, par contre, est moins improbable mais peu souhaitable. Pour deux raisons : la première c’est évidemment qu’elle est synonyme de grandes souffrances principalement chez les plus vulnérables ; la seconde c’est qu’une rupture consécutive à une catastrophe risque bien de donner lieu à des décisions prises dans la hâte, sous l’emprise de l’émotion et sans l’information nécessaire.
Au fond le « message » de cette note est le suivant : les initiatives citoyennes sont de bout en bout des actions politiques ; elles visent (et accomplissent en même temps) une transformation non-violente mais radicale de la société pour affronter les problèmes que celles-ci s’est créées et est incapable de résoudre. Ce processus est cependant lent …peut-être trop lent vu les urgences. Il faut donc travailler dans les trois directions, allier les trois stratégies: préparer une rupture sans doute indispensable, en couplant une stratégie de transformation interstitielle et une stratégie de transformation symbiotique. Concrètement, cela signifie que les partis et mouvements qui travaillent dans le cadre du système institutionnel en place ( ECOLO, syndicats, ONG représentatives, etc.) doivent réaliser leur jonctions avec les initiatives citoyennes de transition et, corrélativement, que celles-ci doivent trouver un modus vivendi avec la « politique traditionnelle » et se départir d’une attitude de rejet du politique qui bloquerait ce processus de convergence.