Par Philippe Defeyt
Depuis 2007, de nombreuses analyses, scientifiques et autres, ont été consacrées à l’évolution du pouvoir d’achat et à des problématiques liées (prix de l’énergie, (re)distribution des revenus, cherté des loyers…). Les polémiques n’ont pas manqué non plus…, à la fois sur l’appréciation des réalités (tout le monde a-t-il perdu du pouvoir d’achat ? et si oui, dans de mêmes proportions ?) et sur les moyens de répondre à la « crise » du pouvoir d’achat. De même, la situation particulière des ménages précaires a fait l’objet d’une grande attention dans la mesure où, au cours des dernières années, ils ont subi de plein fouet des hausses de prix de produits qui comptent plus lourdement dans leur structure de consommation (loyers, énergie et produits alimentaires de base).
Alors que nous sommes entrés dans ce qui semble être la récession la plus grave depuis celle qui a suivi le krach boursier de 1929, récession dont les conséquences sur les revenus et le pouvoir d’achat sont encore incertaines, la présente note propose une mise en perspective plus fouillée, plus décalée et sur un terme plus long que ce que proposent beaucoup d’analyses, parfois un peu sommaires, qui nous sont servies régulièrement.
Les séries statistiques proposées ci-après démarrent en 1985. Pourquoi cette date ? Parce que c’est vers le milieu des années 80 que se mettent en place diverses politiques (le Marché unique, les Arrêtés Monory – De Clercq, les premières baisses de l’IPP…) qui vont façonner de manière structurelle les évolutions en matière de revenus, d’autant plus qu’elles vont être suivies par d’autres de même inspiration (Traité de Maastricht, Traité créant l’OMC…). Par ailleurs, les mesures très volontaristes prises jusqu’au début des années 80 en matière d’allocations sociales ne sont plus de mise au cours de la période qui suit. C’est aussi une période où les prix énergétiques vont baisser en termes relatifs de plus de 50% et puis augmenter à partir de la seconde moitié des années 90.
Les indicateurs proposés dans la note jointe (sous deux formats : WORD et PDF) ne peuvent prétendre faire le tour de la question des inégalités et évolutions en matière de distribution et de redistribution des revenus. Mais ils peuvent contribuer à (re)définir une politique de (re)distribution des revenus et à proposer des objectifs quantifiés.
On rappellera d’abord que trois niveaux d’analyse et, le cas échéant, d’action sont à prendre en considération :
Le partage de la valeur ajoutée. On notera à cet égard que certains auteurs estiment que la « déformation du partage du revenu au détriment des salariés » constitue peut-être une des circonstances qui ont favorisé le déclenchement de la crise en ce que cette déformation a, parmi d’autres facteurs, poussé l’endettement de nombreux ménages.
Le partage des revenus primaires des ménages. Il faut ici considérer à la fois les différents types de revenus et le partage à l’intérieur de chaque type de revenus. Les données dont on dispose ne permettent pas de dire comment a évolué la distribution des revenus de la propriété. Par contre, on peut observer que lesrevenus salariaux sont plus inégalement distribués qu’il y a une vingtaine d’années. Globalement, sur la période considérée, la masse salariale augmente plus vite, contrairement à une impression largement partagée, que l’ensemble des revenus de la propriété. Au sein des revenus de la propriété qui échoient aux ménages, la part des intérêts décroît au bénéfice de la part des dividendes qui elle augmente.
La redistribution des revenus. Celle-ci influence à la fois l’écart entre les différents niveaux de revenus et la capacité de financement des consommations collectives. Au total la tension entre le 1er et le 4ème quartile a augmenté, même si on exclut les revenus de la propriété. La part de la consom-mation dite collective dans le total de la consommation des ménages a augmenté au cours de la période considérée ; la préférence collective pour doper les soins de santé explique une bonne partie de cette évolution. Facialement, les revenus de la propriété subissent moins de prélèvements obligatoires que les salaires.
On notera encore que, sur la période 1985-2008, le pouvoir d’achat moyen par tête a augmenté d’environ 30%, l’essentiel de cette augmentation ayant été acquise avant l’an 2000. Le pouvoir d’achat des ménages précaires – représentés dans l’analyse ci-dessus par les ménages locataires qui se chauffent au mazout et dont les revenus sont proches du RI – ont vu leur pouvoir d’achat augmenter d’environ 20% sur cette même période. Cependant, le pouvoir d’achat des ménages précaires est en recul d’environ 10% entre 2002 et 2008. Il a probablement reculé plus pour ceux qui sont locataires dans un logement privé.
Il appartient à chaque lecteur de tirer des conclusions normatives de ces constats. En ce qui me concerne je suis tenté de proposer la « règle des 10% ». En effet, environ 10% c’est à la fois :*
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le pourcentage dont il faudrait augmenter les revenus en bas de l’échelle des revenus pour revenir à une redistribution des revenus telle qu’observée il y a une vingtaine d’années ;
le pourcentage dont il faudrait augmenter le salaire minimum garanti pour ramener son évolution tendancielle au niveau de celle des salaires conventionnels ;
le pourcentage dont il faudrait augmenter les revenus les plus faibles pour ramener l’évolution de leur pouvoir d’achat au niveau de celle du pouvoir d’achat moyen par tête.
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