Lors de la conférence que la FEB a récemment (juillet 2022) consacrée à l’avenir de la sécurité sociale, un des experts invités a déclaré qu’il ne croyait pas beaucoup à la mobilité entre les régions pour faciliter la réalisation d’un taux d’emploi de 80%. « On a pris beaucoup de mesures en ce sens, mais elle n’a fait que diminuer ces dernières années. Et on voit que le taux d’emploi à Bruxelles et en Wallonie augmente, pourquoi dès lors aller en Flandre ? Le momentum sur ce point est dépassé, il ne faut pas en attendre de trop. »
Rappel : le taux d’emploi se mesure par rapport à la population des 20-64 ans.
Pourtant tout indique qu’il sera impossible, en tout cas beaucoup plus difficile, d’atteindre le taux d’emploi de 80% sans une augmentation des flux de travailleurs de Bruxelles et de la Wallonie vers la Flandre.
Dans cette perspective, cette Brève de l’IDD s’intéresse plus particulièrement aux évolutions récentes de la mobilité interrégionale des travailleurs salariés.
L’originalité de l’étude tient en partie à l’utilisation de données administratives produites par l’ONSS.
Voici pour commencer les données essentielles découlant des travaux de l’IDD :
NB : Comme les données sont disponibles, on a ajouté les flux de travailleurs venant de l’étranger vers chacune des trois régions.
On peut compléter par quatre autres constats majeurs :
- Les grandeurs estimées par l’IDD et celles découlant de l’Enquête sur les forces de travail (EFT) sont relativement proches sauf pour les flux Flandre > Wallonie et Wallonie > Flandre pour lesquels l’EFT donne des grandeurs systématiquement inférieures aux estimations de l’IDD.
- Pour tous les flux interrégionaux, 2020 marque un recul ; on constate un léger redressement en 2021 ; mais il est trop tôt pour déterminer si toutes les conséquences de la crise du covid sur le marché du travail laisseront ou pas des traces structurelles dans les évolutions des mobilités interrégionales à venir.
- Les deux grands flux (Flandre > Bruxelles et Wallonie > Bruxelles – 360.000 travailleurs au total) restent très stables sur la période 2015-2021 dans les estimations de l’IDD alors que l’EFT estime ces flux tendanciellement à la hausse.
- Certes, les mobilités interrégionales les plus « scrutées » (en particulier par des observateurs du nord du pays), à savoir celles de Bruxelles et de la Wallonie vers la Flandre, augmentent entre 2015 et 2021 mais, comme le montre le graphique suivant, les parts des travailleurs wallons et bruxellois dans l’emploi intérieur flamand bougent à peine ; au total, c’est moins de 5% de l’emploi flamand qui est assuré par des travailleurs des deux autres régions.
Bref, si progrès il y a pour ce qui est de la mobilité des salariés de Bruxelles et de la Wallonie vers la Flandre, il faudra une croissance absolue et relative de ces flux bien plus importante et soutenue que par le passé si on veut aider et la Flandre et la Belgique à atteindre un taux d’emploi de 80%.
Plus dans la note ici.
Philippe Defeyt