L’accord de la coalition Vivaldi annonce que : « Le Gouvernement récompensera le travail, accompagnera les groupes les plus vulnérables sur le chemin vers l’emploi et visera un taux d’emploi de 80% minimum pour 2030. »
Peut-on atteindre cet objectif ? Sur base du modèle prospectif construit par l’IDD, la réponse est oui, mais aux trois conditions cumulatives suivantes :
- L’emploi augmente à partir de 2022 au même rythme que celui observé entre 1995 et 2018, à savoir +1,3% par an en moyenne.
- La population des 20-64 ans baisse autant qu’attendu dans les Perspectives démographiques du Bureau fédéral du Pla
- Il faut adapter l’indicateur pour y arriver !
Trois commentaires :
- La croissance de 1,3% en moyenne par an de l’emploi (1995-2018) est favorablement influencée par de bonnes « performances » jusqu’au début du siècle ; les taux de croissance observés plus récemment sont souvent plus modestes. En même temps, la transition écologique, le développement du numérique et le vieillissement socio-démographique sont potentiellement sources d’emplois nouveaux ; par ailleurs la volonté du nouveau gouvernement est de mettre en place l’assainissement budgétaire de manière pondérée. Mais, même ainsi, c’est un fameux défi de créer 560.000 emplois d’ici à 2030.
- Toutes choses égales par ailleurs, une baisse de la population influence favorablement l’évolution du taux d’emploi. Mais un recul du solde migratoire net de l’immigration tel qu’injecté dans les Perspectives démographiques est-il compatible avec un taux de croissance de l’emploi de 1,3% ? Je ne le pense pas. Autre « correction » possible : un tel développement de l’emploi, couplé avec un recul de l’âge légal de la retraite, pourrait profiter proportionnellement plus à l’emploi des plus de 65 ans, diminuant donc la part des 20-64 ans dans l’emploi total plus que prévu dans les projections de l’IDD. Ces deux adaptations comportementales, liées à un marché du travail très dynamique, rendraient plus difficile d’atteindre un taux d’emploi des 20-64 ans de 80%, parce que diminuant le numérateur (l’emploi) et augmentant le dénominateur (la population).
- Enfin, dire qu’il faut « adapter l’indicateur pour y arriver » donnerait à penser qu’on veut changer d’instrument de mesure pour flatter les résultats. Non, bien sûr que non. Il s’agit simplement de constater que les deux indicateurs officiels du taux d’emploi – celui de l’Enquête sur les forces de travail et celui du Bureau fédéral du Plan – ne sont pas des outils adaptés pour mesurer correctement l’évolution du taux d’emploi.
C’est pour cela que l’IDD a élaboré son propre indicateur.
Avec un taux d’emploi (des 20-64 ans) de 80% en 2030 sur base de l’indicateur de l’IDD, qui repose déjà sur des hypothèses très favorables, le taux d’emploi estimé par l’Enquête sur les forces de travail se situerait à 78,5% et celui estimé par le Bureau fédéral du Plan à 75,4%. Avec les indicateurs du taux d’emploi utilisés à ce jour impossible donc d’arriver à 80% !
Par ailleurs, tenant compte des hypothèses retenues par l’IDD, il subsistera un important écart entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes. La parité en matière de taux d’emploi n’est pas encore en vue.
Se fixer des objectifs ambitieux peut inciter à produire des efforts pour y arriver. Mais il faudra en matière de taux d’emploi se doter d’un indicateur qui rend correctement compte des efforts accomplis, activer des mesures (formation, investissements publics dans les différentes transitions : climat, mobilité, etc., soutien à l’entrepreneuriat, stimulation d’activités à fort contenu en emploi, pension à temps partiel…) plus ambitieuses que celles activées à ce jour et bénéficier d’une conjoncture internationale soutenante, sans oublier une sortie par le haut de la crise sanitaire, pour atteindre l’objectif de 80%. Le tout, si possible, en renforçant l’équité dans l’accès à l’emploi, pour toutes et tous. Mais qui n’essaie pas ne réussira certainement pas.
Plus dans la note jointe.