Mieux comprendre les évolutions récentes du nombre de demandeurs d’emploi inoccupés (DEI)

Cinq mois après le début de la crise économique, les évolutions du chômage semblent, jusqu’ici en tout cas, moins graves que celles qui étaient anticipées et craintes.

La Brève n°44 de l’Institut pour un Développement Durable propose quelques éléments de diagnostic.

Depuis mars, le nombre total de demandeurs d’emploi indemnisés (DEI) est en forte hausse à un an d’écart ; la hausse maximale a été enregistrée en mai (+38.000 à un an d’écart) ; l’augmentation à un an d’écart recule depuis lors (+ 23.000 « seulement » en juillet). Trois autres observations :

  • le nombre de demandeurs d’emploi augmente à un an d’écart plus vite que le nombre de demandeuses d’emploi ;
  • en absolu c’est la catégorie de 25-49 ans qui gonfle le plus mais ce sont les jeunes DEI dont le nombre augmente le plus en termes relatifs (presque 16% en plus en juin comme en mai, 10% en juillet) ;
  • à un an d’écart c’est en Flandre que le nombre de DEI augmente le plus, en absolu comme en pourcentage ; c’est néanmoins toujours en Wallonie qu’il y a le plus de DEI (219.000 en Wallonie en juillet et 211.000 en Flandre) ; le nombre de DEI à Bruxelles ne bouge quasiment pas.

Une récolte de données directement auprès des organismes de l’emploi régionaux permet d’affiner le diagnostic dans la mesure où ceux-ci détaillent les DEI en 4 grandes catégories :

  1. Les DEI demandeurs d’allocation (= chômeurs indemnisés pour l’ONEM), c’est-à-dire les personnes qui ont travaillé assez longtemps pour bénéficier d’une allocation de chômage ou celles qui ont terminé leur stage et donc bénéficient d’une allocation d’insertion.
  2. Les jeunes en stage d’insertion. Attention : un jeune bénéficiant d’un RIS en attendant de terminer son stage d’insertion sera inscrit dans cette catégorie et non dans la catégorie suivante.
  3. Les autres inscrits obligatoires (notamment voire principalement les DEI issus des CPAS).
  4. Les inscrits libres (par exemple : un jeune qui n’a pas travaillé assez pour obtenir une allocation de chômage, qui n’est pas dans les conditions pour bénéficier d’une allocation d’insertion et qui ne dépend pas de son CPAS peut s’inscrire dans son organisme d’emploi régional).

Trois constats ici aussi :

  • l’essentiel de l’augmentation du nombre de DEI à un an d’écart vient de la catégorie des DEI demandeurs d’allocation ; il est vrai qu’ils représentent environ 2/3 des DEI (les trois autres catégories représentent chacune environ 11% du total) ; leur importance relative est appelée à augmenter dans les mois qui viennent ;
  • les jeunes en stage d’insertion voient leur nombre augmenter d’environ 7.000-8.000 unités au cours des trois derniers mois ; ils représentent la toute grande part de l’augmentation du nombre de DEI de moins de 25 ans (presque 90% en juillet) ; c’est cette catégorie de DEI qui augmente le plus en termes relatifs ; cette augmentation est alimentée notamment par de moindres sorties du chômage et des retours au chômage après un emploi (le plus souvent CDD ou intérim) ;
  • les deux autres catégories de DEI (inscrits obligatoires et inscrits libres) sont en modeste recul à un d’écart ; on peut proposer trois grandes explications :

– il y a probablement moins de sanctions (suspensions ou exclusions) du chômage
– en début d’année 2020 le nombre de bénéficiaires du RIS était stabilisé et on peut supposer que l’augmentation attendue du nombre de bénéficiaires suite à la crise est progressive ; en tout état de cause il y a un décalage entre l’arrivée en CPAS et l’inscription comme DEI
– on peut imaginer que les personnes inscrites librement qui n’ont droit à rien (par exemple une femme « rentrante » sur le marché du travail) renoncent ou sont moins nombreuses à s’inscrire dans un contexte déprimé.

On observe des différences régionales dans les évolutions respectives de ces quatre catégories de DEI ; trois points d’attention :

  • la stagnation du nombre de DEI bruxellois (voir ci-dessus) est le résultat de mouvements en sens divers, notablement une forte augmentation (+49% en juillet) des jeunes en stage d’insertion et un recul (-41%) du nombre des inscrits obligatoires ;

  • à un an d’écart, l’augmentation du nombre de DEDA est très faible à Bruxelles de mai à juillet, plus marquée en Flandre et dans une moindre mesure en Wallonie mais en recul entre mai et juillet dans ces deux régions ;
  • les évolutions sont très divergentes pour ce qui est des jeunes en stage d’insertion : +2% en juillet en Flandre, +20% en Wallonie et +49% à Bruxelles.

Enfin, les données récoltées auprès des organismes de l’emploi régionaux permettent un découpage en fonction de la durée d’inoccupation. Sans surprise, on constate que c’est le nombre de DEI d’une durée en chômage de moins d’un an qui augmente le plus, en absolu comme en pourcentage (sauf en juillet 2020).

Une conclusion importante qui apparaît à la lecture de ces données est qu’il est pertinent d’également étudier les évolutions du nombre de DEI en les décomposant suivant les quatre grandes catégories.

Or, il faut bien constater que l’analyse macroéconomique du chômage utilise peu, voire pas du tout, ces données, aussi bien au niveau national qu’au niveau régional. C’est dommage.

On devrait même aller plus loin encore en combinant les différents critères d’analyse et en exploitant toute la richesse des données dont disposent les organismes publics de l’emploi des 4 régions.

Il faut qu’une institution fédérale (le Bureau fédéral du Plan ou la BNB ou le SPF Emploi ?) collationne systématiquement et analyse ces données, ce qui, je pense, améliorerait significativement l’analyse macroéconomique du marché du travail.

Deux points pour terminer :

  • il serait pertinent d’étendre à 30 ans la limite d’âge supérieure qui délimite la catégorie des jeunes ; cette modification serait amplement justifiée par la durée croissante des études, la place prise dans les parcours par les périodes d’entre-deux et les difficultés d’insertion des jeunes ;
  • au vu des informations dont on dispose aujourd’hui, il semble peu probable que le nombre moyen de DEI prévu par le Bureau fédéral du Plan – 545.000 en moyenne annuelle – soit atteint ; tant mieux, mais à vérifier dans les mois qui viennent.

Plus d’informations dans la note jointe.

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