Pouvoir d’achat… (Re)cadrer le débat ! (Philippe Defeyt)

mai 30th, 2008

Ma récente étude sur l’évolution, à long terme, du pouvoir d’achat a suscité de multiples réactions : incrédulité, incompréhension, indignation (plus ou moins sincère), pour ne citer que les principales.

Premier constat : dans une société qui a développé le prêt à penser autant que le prêt à porter, il est difficile de parler de manière multiple de problèmes complexes. Soit, tenons-en compte, même si cela revient à s’inquiéter sur les « progrès » culturels. En tout état de cause, je m’estime blessé par des attaques qui semblent négliger, de manière plus ou moins subtile, tout ce que j’ai écrit et exprimé – sur base d’études rarement contestées – sur l’évolution des revenus et des inégalités, sans parler de mes engagements politiques et sociaux.

Deuxième constat. Nier que le pouvoir d’achat a – en moyenne – augmenté sur le long terme revient à nier les progrès économiques, technologiques et sociaux. Comment peut-on à la fois nier cela et s’enorgueillir, à juste titre, de progrès engrangés par l’action politique et syndicale ?

Troisième constat : de nombreux détracteurs de cette étude, comme ceux qui l’interprètent à leur manière, s’appuient sur l’arrivée de nouveaux besoins pour « oublier » ses constats. Les nouveaux besoins découlent d’envies qui résultent, c’est une évidence, d’interactions entre les logiques individuelles et les logiques collectives (marchandes et non marchandes) et sociales.Que nous ayons besoin de certains « nouveaux » produits dans notre société, c’est par exemple le cas de l’informatique (pour certains de ses usages), est une évidence. Mais le GPS est-il à ce point indispensable ? Est-il indispensable de changer fréquemment de GSM ? L’airco est-il vraiment indispensable ? Nos enfants sont-ils véritablement plus heureux d’aller à Disneyland que de « jouer en bande » ? Peut-on encore accepter que tout est fatalité et que tous les besoins générés par un capitalisme outrancier sont indispensables. De toute manière, à terme (et cela ne durera plus longtemps), nos manières de consommer et de produire sont intenables. Autant s’y préparer. Et si la société a sa part de responsabilité, ceux qui ont des moyens financiers et culturels à leur disposition en ont aussi. Et cela vaut pour toutes les « Ã©lites », trop souvent occupées par d’autres besoins, dont ceux de se maintenir, de se reproduire et de se coopter ne sont pas les moindres.

Quatrième constat : la gauche se trompe en concentrant ses discours sur le pouvoir d’achat. Les inégalités culturelles, en matière de santé, de capital humain et social, sont aujourd’hui au moins aussi prégnantes que les inégalités « Ã©conomiques ». Qu’a-t-on fait, en profondeur et dans la durée, pour les réduire ? Sait-on même, véritablement, comment s’y prendre ?

Cinquième constat : parler de l’évolution du pouvoir d’achat du salarié moyen ne revient pas à gommer l’évolution moins favorable, pour ne pas dire défavorable, des « petits revenus » (allocataires sociaux et salariés à petits salaires). Mais qui s’est battu pour augmenter le salaire minimum garanti ? 2 X 25 € par mois d’augmentation en 15 ans ! Je pense être le premier a avoir chiffré la perte récente de pouvoir d’achat subie par les 20% les plus pauvres. Constater une évolution positive du pouvoir d’achat sur le long terme n’est pas incompatible avec le constat d’une détérioration récente, pour certains, du pouvoir d’achat et d’une très inégale répartition de ce pouvoir d’achat. Au contraire, on devrait s’interroger : pourquoi et comment un gâteau plus grand (mais pas nécessairement plus appétissant) est-il moins bien réparti ?

Sixième constat : les hommes et femmes de progrès ne savent par quel bout appréhender une vérité difficile à traiter. Vivre en « petit » ménage (les ménages d’isolés ou les ménages monoparentaux en particulier) coûte, toutes proportions gardées, plus cher que de vivre dans un ménage de plus grande taille. Nul approche moralisatrice dans ce constat, mais une vérité microéconomique évidente. Il nous faut tenir compte de la réduction tendancielle de la taille moyenne des ménages. Le comment reste à inventer.

Dernier constat : dans un monde gagné par le « chacun pour soi » et l’aveuglement par rapport aux limites, humaines autant qu’environnementales, d’une logique du « toujours plus », les hommes et femmes de progrès, le vrai progrès, pas celui des techniques ou du capitalisme qui s’étend dans le temps et l’espace, ont besoin de réconcilier une approche historique, mais toujours d’actualité, des inégalités socioéconomiques et culturelles et une approche qui tient compte des dégâts infligés à l’homme et à son cadre de vie, social et écologique. Les petits calculs de positionnement politique de court terme n’enlèvent rien à ce constat. Certains oublieraient-ils le concept d’aliénation ?

Philippe Defeyt

Les prix de 80 produits de base en 1983, 1988 et 2008 exprimées en temps de travail nécessaire

mai 29th, 2008

Prix des produits de baseCombien de minutes (heures) faut-il travailler pour se payer un pain de 800 gr ou un plein de mazout ? et combien de temps fallait-il travailler il y a vingt-cinq ans ?
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Indice des prix, indexation et pouvoir d’achat des ménages à petits revenus

novembre 5th, 2007

Dans un contexte de craintes croissantes quant au pouvoir d’achat, la dernière étude de l’Institut pour un Développement Durable s’intéresse plus particulièrement à l’évolution du pouvoir d’achat des petits revenus.

La principale conclusion est sans appel : depuis 2004, date de la mise en place du nouvel indice des prix à la consommation, les petits revenus ont perdu jusqu’à 400 € de pouvoir d’achat sur une base annuelle.

Les pertes de pouvoir d’achat observées depuis 2004 pour les ménages en bas de l’échelle des revenus s’ajoutent à de probables pertes enregistrées entre 2000 et 2004 à la suite d’augmentations de prix qu’ils subissent de manière plus sensible (par ex : + 60,4% pour les pommes de terre, + 10,7 % pour le lait, etc.). Ces pertes de pouvoir d’achat s’ajoutent à de probables pertes de pouvoir d’achat antérieures (prix énergétiques et loyers), en attendant celles qui se préparent si on en croît les hausses de prix annoncées (qui toucheront, pour beaucoup d’entre elles, proportionnellement plus les ménages à petits revenus).
De plus, les ménages précaires à faibles revenus qui sont locataires ont subi des hausses de loyers plus fortes que celles reflétées par les indices officiels et d’autant plus probables que ces ménages déménagent souvent.

Pour des ménages précaires c’est ce qui restait peut-être comme (petite) marge de manoeuvre qui a totalement disparu.

Une société aussi riche que la nôtre peut-elle continuer à laisser faire en laissant les ménages déjà précaires s’enfoncer davantage dans la précarité socioéconomique ? Les résultats qui précèdent plaident pour la mise en route effective (prévue en 2008) de la liaison des allocations au bien-être (ce qui permettrait probablement de compenser, au moins en partie, les pertes de pouvoir d’achat à venir) et pour une augmentation du net des petits revenus salariaux.

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Genre, âge, diplôme et temps de travail : quelques évolutions structurelles de l’emploi entre 1986 et 2005

août 24th, 2007

La production de données statistiques de grande qualité est un des nombreux apports du Bureau fédéral du Plan à l’analyse économique. Le Bureau fédéral du Plan, dans le cadre d’un travail européen visant à mieux comprendre l’évolution de la productivité, a élaboré une riche banque de données détaillant, notamment, des caractéristiques de la force de travail occupée.

La note que l’Institut pour un Développement Durable rend publique aujourd’hui vise à exploiter cette banque de données en proposant au lecteur des tableaux et graphiques explicitant quelques évolutions structurelles de l’emploi en Belgique entre 1986 et 2005. Quatre aspects importants, et d’actualité, de la force de travail occupée sont abordés dans cette note:
РLes dipl̫mes obtenus (formation initiale)
– La place des travailleurs de plus de 50 ans
– Le temps de travail
– La place des femmes
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Faut-il vraiment maximaliser la biodiversité ? J-P Ledant ouvre le débat…

juillet 31st, 2007

L’idée qu’il faudrait systématiquement maximaliser la biodiversité est répandue mais elle est discutable. Aussi déplorable que soit chaque extinction d’espèce, il n’y a pas exactement lieu de vouloir maintenir aussi élevé que possible le nombre d’espèces existantes. Ceci est vrai à l’échelle globale car les diverses espèces ne sont pas équivalentes. C’est a fortiori vrai à l’échelle locale car certaines espèces peuvent s’y avérer indésirables pour qui les côtoie comme pour la conservation globale. Un raisonnement analogue peut être tenu pour les autres grandeurs associées à l’idée de biodiversité. Inversement si l’on cherche à identifier ce qui importe dans l’environnement biologique, les variables quantifiables associées à l’idée de biodiversité n’y ont qu’un poids très relatif. C’est seulement si l’on se réfère à une définition large de la biodiversité, en tant que globalité du vivant, qu’on peut affirmer qu’elle est capitale mais elle n’est alors pas quantifiable et la maximaliser n’a donc pas de sens. Par conséquent le concept de biodiversité indique bien peu de choses sur la façon dont nous devons gérer les écosystèmes. A défaut de maximaliser la biodiversité elle-même, ce sont les « services écosystémiques », y compris la contribution à la conservation des espèces menacées d’extinction, qu’il convient de maximaliser.
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Manger ou Conduire ? Faudra-t-il choisir ?

mai 25th, 2007

Avons-nous mangé notre pain blanc ? Quelques données et réflexions sur les prix alimentaires et les agrocarburants (Ph. Defeyt)

Les agrocarburants suscitent de plus en plus de questions, notamment sur leur durabilité agricole (par exemple : la production des matières premières comme le maïs ou le blé nécessite beaucoup d’eau) ou leurs impacts sur la santé8. Leur impact sur l’alimentation mondiale élargit le questionnement aux aspects sociaux. Si certes les pauvres des pays moins développés risquent de payer cher la frénésie routière, chez eux comme chez nous, les ménages précaires dans nos pays verront leur existence quotidienne se compliquer encore. Les évidences s’accumulent : l’attrait croissant pour les agrocarburants actuels pousse / contribue à pousser à la hausse les cours des productions alimentaires. « Boire ou conduire »,« manger ou conduire », certains, en tout cas, paieront pour ceux qui ont et continueront à avoir les moyens de conduire. L’engouement pour les agrocarburants doit par conséquent être réévalué également à la lumière de considérations sociales. La baisse historique de la part des dépenses alimentaires dans la consommation des ménages
est derrière nous. Ce qui s’annonce c’est plutôt une hausse de cette part. Ceci dit, les prix agricoles étaient tombés trop bas pour assurer un revenu correct à de nombreux agriculteurs d’ici et d’ailleurs et une qualité de production écologiquement soutenable. Mais changer cet état de fait doit se faire en préservant les intérêts de tous et en protégeant
les personnes et ménages précaires, non par un développement débridé d’agrocarburants dont les débouchés sont assurés par la croissance de la mobilité.

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Le N°50 et dernier « Indicateurs pour un développement durable » est paru.

mars 21st, 2007

Le numéro 2006-5 du bimestriel « Indicateurs pour un développement durable » est consacré à « La situation énergétique de la Wallonie ». Vous le trouverez ici.
Il est aussi le numéro 50 d’une série commencée en 1997 et qui s’achève malheureusement avec lui. En effet, malgré de nombreuses tentatives et au mépris des avis (répétés à trois reprises et à l’unanimité) du Conseil Supérieur de l’Education Permanente, les différents ministres en charge de l’éducation permanente depuis 1999 dans les gouvernements successifs de la Communauté française ont refusé de reconnaître notre action et de lui donner les (maigres) moyens de se poursuivre.

Les 50 numéros d' »Indicateurs » (ainsi que la plupart des analyses hors-série) ont tous été rédigés, mis en page et diffusés à titre bénévole (le prix de l’abonnement postal ne couvrant que les frais de timbre). Malheureusement, les activités professionnelles de l’équipe rédactionnelle au sein comme en dehors de l’Institut pour un Développement Durable ne nous permettent plus d’envisager de poursuivre cette mission d’éducation permanente. Nous le regrettons vivement mais cela ne signifie pas que nous nous retirerons dans notre tour d’ivoire et que nous nous consacrerons dorénavant exclusivement aux travaux de recherche qui nous permettent d’exister institutionnellement. Nous comptons bien continuer d’intervenir dans le débat public en fonction des circonstances et de nos disponibilités.

Merci en tout cas à tous ceux qui nous ont suivis (certains depuis le tout premier numéro), soutenus, encouragés et qui nous ont fait part de leurs remarques et commentaires tout au long de ces 10 années de publication. Merci aussi à tous les collborateurs qui ont participé à cette entreprise.

Le CA de l’IDD:
Paul-Marie Boulanger, Philippe Defeyt, André Lambert, Jean-Paul Ledant

Tous les anciens numéros sont disponibles ici.

Approche socio-économique des problèmes environnementaux dans un contexte de « Global Change »

décembre 23rd, 2006

En 114 diapositives, un tour d »horizon des problèmes environnementaux dans le cadre du changement global. Un document réalisé par Philippe Defeyt.

Vous pouvez le trouver ici…

La perception par les ménages de l’inflation suite au passage à l’euro

novembre 19th, 2006

Beaucoup de ménages ont l’impression que le passage à l’EURO a « renchéri le coût de la vie ». La dernière étude de Ph. Defeyt pour l’Institut pour un Développement Durable essaie d’y voir clair.

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L’Afrique est-elle en voie de développement durable ? (Indicateur N°2006-4)

novembre 14th, 2006

Le dernier numéro de notre publication « Indicateurs pour un Développement Durable » – voir fichier joint, au format PDF – est consacré au (non)développement de l’Afrique subsaharienne.

Après des décennies d’efforts, le développement de l’Afrique subsaharienne reste lent, irrégulier, parfois même négatif ou alors sans garantie de durabilité. Read the rest of this entry »